Au terme de leur participation au programme d’accompagnement Hors-Pistes, Sarah Penanhoat et Guillaume Dronne nous ont livré leurs impressions sur ce dispositif développé par Fructôse en partenariat de La Plate-Forme et Modulo atelier.
Les deux artistes présentent les pièces réalisées lors de leur résidence au sein de l’exposition Les courbes de Babylone à Modulo atelier jusqu’au 3 octobre.

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Fructôse – Comment avez-vous vécu le programme Hors-Pistes ?

Guillaume Dronne – Il a été à l’image de l’appel à candidatures, très complet ! L’accompagnement, la mise à disposition d’un atelier, la bourse de production… Ces conditions ont permis de créer une véritable bulle pour se consacrer à nos recherches et nos productions. Cela a sans doute fait avancer les choses dix fois plus vite qu’en dehors d’un tel cadre, lorsque l’on travaille seul·e dans un atelier et que l’on est rattrapé·e par le quotidien. 
Il y a eu aussi les échanges avec Fructôse, ses salarié·e·s et ses artistes, qui ont été très riches. L’équipe de Modulo atelier a aussi été très à l’écoute et compréhensive, et Nicolas Cabos de La Plate-Forme nous a également aidé, par ses retours critiques, à la conception d’une édition.

Sarah Penanhoat Je l’ai aussi très bien vécu, d’abord par le très bon accueil de Fructôse, l’accompagnement de l’équipe, l’accès à un atelier malgré la situation… On a pu découvrir les trois structures par différentes approches : Fructôse via la résidence, La Plate-Forme à travers l’édition et une présentation publique de notre travail en mai, et Modulo Atelier pour l’exposition. Cela a été très enrichissant ! On a été encadré·e·s et accompagné·e·s par des équipes ouvertes, avec lesquelles on a pu prendre le temps de discuter, d’être dans l’échange. Ces relations m’ont permis de faire tomber les barrières de l’école, où la communication est plus verticale, et de m’affirmer en tant qu’artiste à part entière.

Fructôse – Vous avez également pu travailler avec le critique Arnaud Dejeammes durant la résidence, qui écrit un texte sur vos démarches.

Sarah Penanhoat On a eu des rendez-vous hebdomadaires avec lui pendant deux mois, durant lesquelles on a eu des discussions très généreuses. Il nous a beaucoup écouté et le texte qu’il a écrit reflète l’évolution de nos pièces au fil de la résidence, qu’il a rapporté à nos caractères, à nos manières de travailler, plus qu’aux productions finales.

Guillaume Dronne – La rencontre avec Arnaud a été une rencontre formidable ! Dans son texte, il a vraiment réussi à extraire des éléments de notre travail qui dialoguaient avec ses recherches et rejoignaient les enjeux que l’on manipulait l’un·e et l’autre.

Sarah Penanhoat Il a réussi à croiser nos thématiques, comme la transformation des matériaux, et a aussi accepté le format d’édition que l’on proposait, avec une composition graphique importante qui existe en tant que telle et en fait aussi un objet artistique. 

Fructôse – Sur quels projets avez-vous travaillés lors de la résidence ?

Guillaume Dronne – J’ai pu faire des expérimentations sur un projet que j’avais imaginé en déambulant sur internet, notamment sur Wikipédia, et que j’ai intitulé “Alchimie 2.0 : de l’huile de friture à la médaille d’or du Prix Nobel” car il a pour but de créer du carburant via un système de recyclage d’huile à la manière d’un alchimiste.

C’est un projet qui s’est construit par des rebondissements, des associations, voire les suggestions de moteurs de recherche et de pages web. Je voulais confronter ma recherche artistique, qui fonctionne elle aussi par ricochets et juxtapositions de formes et de contextes, aux recherches sur internet. À ces explorations qui nous mènent de page en page jusqu’à tomber sur totalement autre chose que ce qu’on recherchait au départ.


Sarah Penanhoat Quant à moi, j’ai poursuivi mon travail sur l’imaginaire culturel en partant de mes origines franco-péruviennes et surtout d’un voyage de cinq mois au Pérou en 2016. J’en suis revenue avec beaucoup d’idées de travail sur cette double culture, sur ce pays qui est le mien mais que je ne connais malgré tout que très peu. Durant la résidence, j’ai travaillé sur les questions du déplacement, sur les paysages montagneux péruviens et sur l’assimilation culturelle, en réalisant des pièces en textile et en terre, pour lesquelles j’ai eu la chance d’être aidée par deux étudiant·e·s de l’école d’art de Dunkerque (ESÄ).


Fructôse – Que proposez-vous au sein de l’exposition à Modulo atelier ?

Sarah Penanhoat J’y expose ces pièces en terre et en textile qui renvoient au paysage d’Arequipa, la ville où vit ma grand-mère maternelle et qui est entourée par trois volcans, et à mon voyage là-bas en 2016, aux trajets en bus à flanc de montagne. L’une des pièces est une sculpture en argile, un matériau que ma grand-mère paternelle m’a appris à travailler enfant et que j’ai redécouvert il y a cinq ans, en master. C’est un matériau qui est généralement consacré à un usage unique, pour fabriquer des objets de petites dimensions et détaillés. Pendant la résidence à Fructôse, j’ai décidé de l’utiliser pour réaliser un grand ensemble, une installation faite de plusieurs briques en terre, qui peuvent être mobiles et créer de nouveaux paysages selon leur agencement. 

Elle est intitulée “D’un bout à l’autre, purée !” car il y a un côté assez obsessionnel dans cette installation, dans cette construction d’une montagne de A à Z, du modelage des briques à leur cuisson, puis à leur disposition, laquelle peut encore évoluer, former de nouveaux ensembles… C’est un travail qui me rappelle Pénélope tissant un voile en attendant le retour d’Ulysse mais qui défait chaque nuit ce qu’elle a fait le jour.

© Sarah Penanhoat


En regard de cette montagne, je présente deux tentures installées à l’endroit et à l’envers, comme une page de livre. Chacune a été teintée naturellement et végétalement lors de ma résidence avec des rebuts de nourriture et renvoient aux couleurs des paysages péruviens avec des nuances de rose, de blanc, de jaune, d’orange…


Elles rappellent aussi le labeur artisanal car elles sont chacune sérigraphiées de phrases en français et en espagnol, avec une typographie différente pour chacune des deux langues. Et en même temps certains mots sont brodés, faisant le lien entre les langues, tissant une constellation entre des mots et des phrases qui évoquent des imaginaires touristiques, l’imprégnation des territoires que l’on visite mais dont on ne peut jamais comprendre entièrement la culture sans y vivre au quotidien.

Guillaume Dronne – Pour ma part, j’avais envisagé de présenter des œuvres antérieures qui auraient pu s’intégrer à la thématique de l’exposition collective pour me focaliser sur la recherche et l’expérimentation pendant la résidence à Fructôse. Mais j’ai finalement décidé d’arrêter des formes et des réflexions à un instant T et plutôt proposer un état de ma recherche dans l’exposition.

J’y expose donc une modélisation  3d du système de filtration d’huile de friture. Mes expérimentations d’impressions 3d grands formats ayant conduit à l’autodestruction de l’imprimante, l’étape préalable de modélisation devient donc une forme à part entière.

Quelques précisions sur ce système : chacun des récipients contient un filtre de plus en plus fins (jusqu’à un micron), de manière à obtenir une huile claire et fluide. J’ai pensé chaque contenant comme une sculpture autonome qui pourrait fonctionner hors d’un tel dispositif. Ce sont des formes hybrides entre les bidons classiques en polyéthylène, nombreux sur le littoral dunkerquois et les flotteurs de balise. 

J’aime cette idée de croiser les formes. C’est assez récurrent dans mon travail. Ces objets,  destinés à être imprimés en 3D, peuvent avoir une fonction utilitaire de filtration d’huile mais aussi exister indépendamment grâce à leurs qualités esthétiques, ou encore flotter, dériver au large… Je proposerai ces formes au téléchargement libre sur une plateforme spécialisée dans l’impression 3D pour que tout le monde puisse les imprimer, soit alimenter son moteur, soit avoir une partie de l’œuvre chez ellui.

Il y a également une vidéo documentaire de mes recherches sur la distillation de gaz d’échappement. Le système de verrerie sera lui aussi exposé à Modulo dans sa dernière version. Il reste encore beaucoup de travail, mais grâce à une approche Do It Yourself de la chimie organique, je compte réussir à transmuter le dioxyde carbone présent dans les gaz d’échappement en acide nitrique et ainsi graver du cuivre grâce à mon véhicule.

Ce sont donc des expérimentations que je présente à Modulo, avec une gravure qui les synthétise. On y retrouve les recherches en cours, le système de filtration d’huile et celui de la distillation des gaz d’échappement, mais aussi les étapes qu’il reste à réaliser : la récupération de la chaleur du moteur de la voiture alimentée en carburant “maison”, la production d’électricité par un alternateur, des pompes et des sondes de température afin de réguler la filtration de façon automatisée… C’est un projet au long cours sur lequel j’ai déjà beaucoup avancé grâce à la résidence !

◇◇◇

Depuis la fin de la résidence Hors-Pistes, Sarah Penanhoat a investi avec d’autres artistes à Lille un atelier collectif, nommé l’Atelier Bouillon. « C’est grisant de le construire ensemble et de s’investir dans un projet tout nouveau, qu’on fait tous sortir de l’œuf. En ce moment, on prépare activement les Portes ouvertes des ateliers d’artistes, qui seront une manière de nous présenter au public pour la première fois.
Dans ma pratique, je continue des sculptures en céramique et de pérenniser les teintures végétales, après Hors-Pistes il y a quelques projets qui sont arrivés et j’aimerais bien développer cela. En parallèle, je donne à partir de septembre, des cours de volume à des étudiant·e·s en première année d’école d’art. »

Guillaume Dronne nous a quant à lui livré quelques extraits de sa To Do List :

Réparer imprimante 3d 
(5 pièces remplacées)
(Réglages Imprimante)
(Impressions pièces de renforts)
– Impressions 3d
(Modélisation pièces phonographe Pathé 1909 Modèle A)
(Tests Impressions, Moulage, Coulée en aluminium, Coulé en laiton)
(Trouver cuivre)
(Modélisation engrenage broyeur à papier)
(Impressions Bidons/Flotteurs)
– Travaux Atelier
(Démonter plancher rongé par les insectes xylophages)
(Elec Lumière, Déchetterie, Ménage, Rangement)
(Installer chauffe-eau)
(Instal’ pour les Ouvertures d’atelier du 24/10/2021)
(Changer chasse d’eau)
– Atelier
(Affûter lames machines)
(Affûter outils à main)
(Réparer Tour à bois)
(Installer aspiration copeaux)
– Réparer véhicule
(changer embrayage ou faire changer l’embrayage????????????????)
(Réparer Vélo)
– Pièces
Tests Recettes Faux Or à partir de cuivre (Touver cuivre)
Modélisation caisses plastiques 
Instal Flotteur Bois (Croquis, Trouver Bois)
Contrôle Numérique Système Filtration Huile Friture (Recherche code + Arduino)
Test Fabrication essence à partir de plastique (Récupérer bouteille Gaz)
– Trouver un appart
(falsification documents pour justifier de revenus)
– Trouver de l’argent
Intérim :pose de parquet de luxe
Auto-Entreprise: devis pour meuble en frêne, devis pour porte de grange
Montage d’exposition: Fondation Leclerc en Septembre
Autres: rénovation toiture ardoise Alain
– Rdv Chambre des Métiers Création Entreprise Escalier
– Envoyer Dossiers Candidature Résidence
– Posts Instagram
– Test Antigénique
– Test Antigénique
– Test Antigénique
– Vaccin
– Test Antigénique
– Test Antigénique
– Test Antigénique
– Vaccin
– Interview Fructôse

Dans l’atelier de… Sarah Penanhoat et Guillaume Dronne

Mise à jour 17 septembre 2021

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