Artiste associée à Fructôse depuis presque 5 ans, Rosy Le Bars est engagée dans une pratique sculpturale et s’intéresse au corps comme “territoire de l’intime”.

Dans son travail, des formes organiques émergent au plus proche du ressenti. Ses installations sont imaginées comme un espace intérieur. Des fragments d’une même histoire s’y organisent dans une tentative de reconstitution.

◆◆◆

FructôsePeux-tu nous présenter ton parcours ?

Rosy Le Bars – J’ai d’abord fait des études en arts appliqués, dans le textile, avant d’intégrer l’école des Beaux-Arts de Nantes, dont je suis sortie diplômée en 2004. J’ai ensuite été confrontée à une certaine réalité du milieu professionnel et à un questionnement quant aux compétences que je pouvais faire valoir pour trouver du travail. Je me suis alors formée en infographie, j’ai travaillé quelques années comme graphiste en Bretagne tout en poursuivant en pointillé mes recherches artistiques.

Mon arrivée dans le Nord il y a 10 ans m’a permis de me recentrer sur ma pratique artistique. Je me suis rapprochée d’associations culturelles, j’ai loué un atelier et j’ai pu davantage exposer mon travail. J’ai alors progressivement stoppé mes activité de graphistes pour animer des ateliers et des stages dans différentes structures de la région. 

FructôseComment décrirais-tu ta pratique ?

Rosy Le Bars – Je crée des formes qui viennent dans le prolongement du corps. Ces formes, qui touchent à l’intime, sont de natures organiques, instables, en perpétuelle mutation. C’est un travail sculptural qui appelle le corps de l’autre. La forme prend appui au sol, la mise en volume se fait dans un soulèvement. La sculpture s’inscrit dans cet intervalle entre chute et retenue.

Dans un mouvement de couvrir, recouvrir, prendre soin, je cherche à me rapprocher de la peau, à l’imiter, comme si celle qu’on avait ne suffisait pas. Cette recherche se situe du coté du ressenti, le travail de la matière y a un rôle prédominant.

Rosy Le Bars, Couverture-peau. Couverture, silicone, pigments, voile de coton © Rosy Le Bars

FructôseQuels sont tes matériaux de prédilection ?

Rosy Le Bars – Je travaille principalement avec des matériaux souples. Mon matériau principal est le textile, il s’est rapidement imposé à moi, sans trop d’explication, dès mes premières années d’étude aux Beaux-Arts. C’est une matière qui me rassure, qui touche à la peau, qui m’est familière. J’en apprécie les teintes, les textures. 

Ces dernières années, d’autres matériaux sont apparues comme le silicone, le plâtre et l’argile… L’idée est de trouver le matériau qui va au mieux révéler la forme.

Rosy Le Bars, Main-forme, 2018. Dessin réalisé en résonance avec le travail sculptural de l’artiste, dans une idée de mise en mouvement. Mine de plomb, encres – 62×80 cm © Rosy Le Bars

FructôseTu utilises le corps comme échelle de référence dans la création de tes oeuvres. Comment en es-tu venue à le placer au centre de ton travail ?

Rosy Le Bars – Je porte mon attention sur le corps pour parler de mon rapport aux autres, au monde. C’est un corps ouvert, il y a une idée de rentrer à l’intérieur, de regarder de très près, d’être dans un rapport d’intimité. 

Étudiante, je l’ai beaucoup dessiné. La découverte des cire anatomiques au musée de la Spécola à Florence m’a notamment beaucoup marquée dans l’esthétique de ces corps ouverts, dans les couleurs, les formes, dans le rapport séduction/répulsion.

Les formes évoquent des partie du corps sans les nommer. L’idée est de laisser de l’espace, des zones de silence. Je pars de mon corps comme mètre-étalon : la main, l’envergure de mes bras, la tête, le bassin, le torse… La forme va naitre dans son prolongement. Tout ceci se fait de manière assez inconsciente, c’est de l’ordre de l’intuition, il n’y a pas de méthode. 

Par exemple récemment, j’ai imaginé des formes qui naissent dans le creux de la main (travail en cours). Au départ, il y avait une balle malaxée, comme les balles anti-stress. Pour garder en mémoire ces formes qui surgissent, je les ai modelées en argile, j’en ai fait des moules en plâtre. Ceux-ci m’ont ensuite permis de faire des tirages en silicone. La main était le point de départ, elle m’a permis de donner naissance à ces formes. Elle va aussi déterminer la taille de la sculpture. L’idée est d’appeler la main de l’autre. 

Rosy Le Bars, Jeu de balles (titre provisoire), 2020 – en cours. Silicone, pigments, plâtre © Rosy Le Bars

FructôseEt ainsi montrer des étapes de ce travail, qui ont elles aussi un côté très organique. 

Rosy Le Bars – Oui, à ce propos, il y a 3 ans environ, pour la réalisation de sculptures en céramique, je me suis intéressée au moulage. La découverte de la technique m’a fascinée, les rapports forme/contre-forme, positif/négatif, empreinte, vide/plein, multiplication de la forme… 

Dans ce projet autour des formes qui naissent dans le creux de la main, je fabrique des moules en plâtre dans une idée de prolifération. Je les travaille tout en rondeur, sans coffrage. Ils m’évoquent à la fois des coques, des coquillages, des gangues… Le moule dépasse la dimension d’outil pour être partie prenante de l’œuvre. 

Rosy Le Bars, Humeurs, 2020 – en cours. Extraits issus d’une série d’encres autour de l’hématome © Rosy Le Bars

En parallèle à ce travail, dans une recherche de teintes autour de la peau, je me suis intéressée aux hématomes, à toutes ces nuances bleu-violacé qui émergent à la suface de la peau, évoluent, puis disparaissent. J’ai commencé une série d’encres sur ce sujet. Je ne sais pas quelle ampleur ce travail va prendre, mais c’est plaisant de rentrer dans ces couleurs. Des formes vaporeuses apparaissent, m’évoque des nuages, des humeurs… Les couleurs qui surgissent de ces dessins viennent nourrir le projet en volume dans ces recherches de teinte de peau. 

FructôseLe point de départ de tes oeuvres est un environnement intérieur, intime. Comment perçois-tu l’espace extérieur, celui de la monstration par exemple ? 

Rosy Le Bars – Les sculptures se déploient dans l’espace dans une nécessité de créer une interraction avec le corps. Elles sont soit disposées au sol ou suspendues ou posées sur un support. Je préfère les espaces neutres, de type « white cube ». Les œuvres sont légères, translucides, fugaces, elles peuvent facilement se perdre dans l’environnement. 

Mise en mouvement par 3 performeuses (Abelle Halo, Eun-Young Leepark et Pascale Weber) à l’occasion de Corps encore (expositions, performances, conférences) – Association le Non-Lieu, Roubaix – juin 2018 © Rosy Le Bars
Pièce ici de la composition Retour à la mer (2016, sculpture souple – polyéthylène, silicone, élastiques, mousquetons)

FructôseTes oeuvres sont aussi parfois mises en mouvement. 

Rosy Le Bars – Une des premières activations de mes œuvres a eu lieu en 2012 à la galerie le B.A.R. (1). Cette expérience a marqué mon travail. À l’occasion du week-end des journées du patrimoine, j’avais réalisé des formes que les visiteur·euses pouvaient essayer. Par la suite, j’ai rencontré des danseur·euses, notamment au Vivat à Armentières avec lesquel·les j’ai pu développer un nouveau format de monstration. Il m’a alors paru plus approprié de confier l’activation de mes pièces à des personnes qui ont un rapport au corps bien particulier. 

L’activation reste toutefois un prolongement parmi d’autres. Mes pièces n’ont pas toutes vocation à être activées physiquement. Le dessin, notamment est un autre moyen par lequel je passe pour suggérer un rapport au corps.

Rosy Le Bars, Formes en mouvement, 2020. Issu d’une série de 3 dessins à la mine de plomb – 80×58,5 cm © Rosy Le Bars

FructôseComment as-tu découvert Fructôse et qu’est-ce qu’être artiste associée t’apporte ? 

Rosy Le Bars – C’est Fabien Marques [ancien artiste associé et Président de l’association de 2015 à 2019, ndlr] qui m’a parlé de Fructôse et m’a encouragé à postuler pour y effectuer une résidence. Ce premier contact m’a extrêmement séduite ! On m’offrait l’opportunité de tester des choses, l’équipe et le cadre étaient généreux. Alors, lorsque des ateliers se sont libérés, j’ai postulé pour devenir artiste-associée. 

Vivant à Lille, je ne pensais rester qu’un an et, contre toute attente, plusieurs années se sont finalement écoulées. Le fait de ne pas vivre à Dunkerque me pose régulièrement question mais ce qui me motive à rester est que les choses y changent constamment, l’émulation du lieu, des rencontres avec les autres artistes associé·es ou celles et ceux de passage, les opportunités proposées… Je bénéficie par exemple cette année d’un FOCUS. Faire Corps sera la première étape d’un nouveau projet autour de l’activation de formes. Pour l’occasion, un danseur sera invité à mettre en mouvement un ensemble de sculptures (2). 

Notes : 

1 – Parures à jouer, exposition et activation à la Galerie le B.A.R. (Roubaix) – 15 et 16 septembre 2012
2 – Dans le cadre de l’accompagnement qu’elle propose à ses artistes associé·es, Fructôse organise des rendez-vous dédiés à la présentation du travail de ses artistes associé·es bénéficiant d’un espace de création dans ses ateliers : les FOCUS. En raison des mesures sanitaires liées au Covid-19, le FOCUS de Rosy Le Bars en partenariat avec la compagnie de danse MM, initialement prévu en avril 2020, est reporté au 21 octobre prochain : https://www.fructosefructose.fr/agenda/faire-corps-rosy-le-bars/

Dans l’atelier de… Entretien #2 Rosy Le Bars

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