Entretien avec le Garage de Recherches Graphiques, dit “G R G”, fondé en 2019 par les designers Anaïs Vranesic et Martin Deknudt. Artistes associé·e·s à Fructôse depuis 2020, iels revendiquent un rapport actif au design graphique qu’iels perçoivent comme un outil politique. Bien conscient·e·s des enjeux actuels liés aux nouvelles technologies et à l’environnement, iels militent pour la libération des œuvres de l’esprit, le partage des savoirs, des savoir-faire et la démocratisation des outils de création.

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© G R G

Fructôse – Quels sont vos parcours respectifs ?

Anaïs Vranesic –  J’ai obtenu mon Diplôme national d’arts plastiques (DNAP) à l’École supérieure d’art et de design d’Amiens (ésad), puis mon Diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) à l’École supérieure d’art et de communication de Cambrai (Ésac).

Martin Deknudt – Quant à moi, j’ai obtenu mon DNAP et mon DNSEP à l’Ésac de Cambrai.

Anaïs Vranesic – On a créé G R G en juin 2019, à la sortie de l’école, avant de rejoindre les ateliers de Fructôse en août de la même année.

Fructôse – Comment avez-vous découvert Fructôse ?

Anaïs Vranesic – J’ai eu la chance de collaborer avec Fabien Marques, qui était artiste associé à Fructôse, lors son exposition à la Banque de France en 2018 dans le cadre du F Tour. Il nous a ensuite contacté tou·te·s les deux pour participer à la résidence Talkie-Walkie Walkie-Talkie quelques mois plus tard. On a ainsi pu découvrir Fructôse plus en profondeur, travailler avec les salarié·e·s et d’autres artistes… Après cette expérience, on a eu envie de postuler pour obtenir un atelier en mise à disposition et après les six mois d’essai, faire la demande pour devenir artistes associé·e·s.

© G R G

Martin Deknudt – Ça s’est très bien enchaîné car on sortait tout juste de l’école, où il y avait une émulation collective constante, où on échangeait beaucoup et où il se passait toujours plein de choses. Cela aurait pu être très déstabilisant de se retrouver “tout·e seul·e” d’un coup… C’était vraiment une chance d’intégrer Fructôse à la sortie de l’école car on a pu continuer à être stimulé·e par le collectif et intégrer un endroit où il se passe toujours quelque chose de plus ou moins sérieux mais toujours nourrissant pour l‘esprit ! En tout cas, c’est comme ça qu’on le ressent.

Je pense que l’on n’aurait pas pu développer nos projets aussi rapidement sans Fructôse et son environnement. On aurait peut-être commencé par travailler dans nos appartements, on n’aurait pas été nourri·e par toute cette émulation qui a été continue entre l’école et aujourd’hui.

Anaïs Vranesic – Oui, entre l’atelier, l’accompagnement pour monter nos projets, les moments d’échange avec les autres artistes, les chantiers collectifs… On a été directement pris dans une dynamique qui nous a permis de développer G R G.

Livret de l’étudiant 2020-2021, Le Concept — École d’art du Calaisis © G R G

Fructôse – Quelles sont les activités et la démarche de G R G aujourd’hui ?

Anaïs Vranesic –  On travaille d’une part sur des commandes graphiques, pour des institutions et associations culturelles ; et de l’autre, on mène un travail de recherche autour des notions d’open-source, de récupération, de partage des savoirs et savoir-faire, d’expérimentation avec des objets et matériaux déjà existants.

Pour nous, le design graphique est un geste politique. On revendique une posture “hacktive” face aux enjeux de la société actuelle.

Martin Deknudt – L’engagement, dans le design graphique, doit aussi se faire avec le numérique car il est présent partout ! Les outils développés par Adobe, par exemple, sont les plus utilisés mais si Adobe décide un jour de changer sa politique d’utilisation, tous nos fichiers ne seraient plus utilisables. On n’est plus vraiment propriétaires de notre création.

© G R G

Fructôse – Comment travaillez-vous avec le numérique au quotidien ? 

Anaïs Vranesic – Tout d’abord, on doit toujours se mettre à la page. Chaque mois, il y a de nouvelles mises à jour, de nouveaux logiciels créés… Notre temps de travail se divise actuellement entre 80% de recherche pour 20% de création pure et dure.

Martin Deknudt – C’est pour cela que l’on peut revendiquer un posture d’auteur·rice·s quelque part. On est tout le temps en train d’apprendre de nouvelles choses, de nouvelles techniques et de les appliquer à notre travail. Puisque l’on utilise tous ces outils numériques, on porte une attention particulière aux outils de design graphique, aux imprimantes, scanners, logiciels.., qu’on ouvre et détourne pour les adapter à notre usage. Parfois pour porter un message, parfois pour interroger les systèmes d’impression, souvent pour le plaisir.

© G R G

Anaïs Vranesic –  Lorsque l’on crée un objet graphique, on s’intéresse à trouver les matériaux et les techniques d’impression les plus à même de le réaliser. Chaque objet et chacune de nos recherches permettent de constituer une palette d’outils que l’on pourra utiliser pour d’autres et futurs projets.

On aime mélanger les techniques et les matériaux. On travaille par “couches” et chacune a son importance. 

Fructôse – Vous avez également à cœur d’utiliser des matières premières récupérées.

Martin Deknudt – On porte surtout notre attention sur l’abondance des déchets et des problèmes que la culture du jetable a causés. Notre pratique relève d’une “gestion” de ces déchets, d’une volonté de changer le regard qu’on y porte en orientant nos recherches vers la réactivation et la revalorisation de ces matières et matériaux désuets. La création ne se fait qu’au regard de ce qui est déjà.

© G R G

On récupère principalement des matières et des matériaux issus des résidus de production industrielle, d’entreprises locales et aussi auprès d’autres artistes de Fructôse. Avec, on crée des objets graphiques et des supports de communication, des affiches ou des installations… On s’amuse aussi à glaner des objets électroniques jetés car pensés “obsolètes”. On les répare pour leur donner une seconde vie en leur trouvant d’autres utilités et utilisations, ou en récupérant leurs composants pour fabriquer de A à Z de nouveaux outils de design graphique. 

Tous ces matériaux et objets récupérés viennent également nourrir une “récupérathèque” dans laquelle chaque rebut peut-être réemployé et servir de matière première à la création graphique.

Anaïs Vranesic – Chaque année, par exemple, on a décidé de créer des cartes de visite en utilisant des matériaux récupérés. L’an dernier, l’artiste associée à Fructôse Audrey Robin nous avait donné du rebut de tapis de danse que nous avions transformé en cartes de visite résistantes à aux intempéries dunkerquoises. Pour l’impression, que nous voulions aussi locale, nous avions collaboré avec le SparkLab de Dunkerque.

Carte de visite 2020 © G R G

La carte de cette année, quant à elle, est une carte de visite qui résiste à la Covid-19 ! Pour la créer, on s’est rapproché·e d’une entreprise du Dunkerquois, laquelle nous a donné des chutes de plexiglas utilisées pour fabriquer des visières anti-Covid. On trouvait intéressant, dans la continuité de nos recherches, et en jouant sur l’humour, d’utiliser ce matériau.

Cette utilisation de déchets fait et permet de parler. Lorsque l’on présente nos créations à nos client·e·s, à des entreprises avec lesquelles nous prenons contact ou à d’autres publics, on explique toujours leurs histoires car les gens sont intrigué·e·s par leurs matériaux. Il y a une narration qui se crée et qui amène, par d’autres biais, à sensibiliser les personnes que l’on rencontre à de nouvelles formes de recyclage des matériaux.

Martin Deknudt – Cette sensibilisation semble fonctionner puisque des entreprises locales nous contactent de plus en plus spontanément pour nous donner leurs rebuts de fabrication. 

En parallèle, on rencontre d’autres acteurs impliqués du territoire, comme le SparkLab et Precious Plastics. On mène aussi des ateliers, notamment à l’École municipale d’arts plastiques de Dunkerque, qui nous permettent d’échanger sur notre manière de travailler et sur ces enjeux… et nous donnent encore plus envie d’expérimenter !

© G R G

L’intérêt pour les questions environnementales et technologiques est très présent à Dunkerque. C’est quand même un territoire particulier ! D’un côté, il y a toutes ces industries pétrolières avec leurs cheminées qui crachent des flammes ou des fumées rougeâtres, et de l’autre, il y a la plage avec ses dunes et sa biodiversité. Il y a quelque chose de contemplatif des deux côtés, une dualité qui questionne et nous inspire dans notre travail.

Fructôse – Quels sont les prochains projets de G R G ?

Anaïs Vranesic –  Dans le cadre de Lille 2020 Capitale Mondiale du Design, on est cette année en résidence à l’espace 36, à Saint-Omer, où on présentera début 2022 une exposition retraçant cette année de recherche et de création artistique et graphique.

Martin Deknudt – On participe aussi au projet thereafter.hiatus en réalisant la restitution de l’évènement sous la forme d’un objet web interactif. Et on va surtout continuer à expérimenter de nouvelles techniques d’impression et apprendre sans arrêt ! 

© G R G

DANS L’ATELIER DE… ENTRETIEN AVEC G R G

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